vendredi 30 août 2013

Français et Allemands : une collaboration stratégique pour la transition énergétique .



Après avoir lancé l'Office franco-allemand des énergies renouvelables en février, les ministres français et allemands de l'Ecologie et de l'Energie ont posé les premières pierres de l'édifice début juillet. Le couple franco-allemand entend ainsi prendre le leadership de la « troisième révolution industrielle ». Les industriels des deux pays eux, sont déjà à pied d'œuvre sur cette collaboration majeure pour l'avenir énergétique des deux pays.


« Par deux fois nous avons raté une révolution industrielle, celle de l’électronique, puis celle de l’Internet. Nous sommes aujourd’hui à la veille d’une révolution énergétique. Cette fois-ci, les industriels européens ont un leadership sur l’efficacité énergétique, la production, la distribution…», déclarait Peter Altmaier, ministre allemand de l’Environnement lors de la première conférence franco-allemande sur l’énergie du 2 juillet. Depuis février en effet les deux pays ont décidé de renforcer la coopération en matière de climat et d’énergies renouvelables (voir la tribune commune de Delphine Batho et Peter Altmaier du 4 mai). Une coopération qui se matérialise principalement par l’Office franco-allemand des énergies renouvelables. Composée de 6 permanents, qui officient depuis Berlin ou Paris, cette association qui prend la suite du bureau de coordination des énergies renouvelables, rassemble une centaine d’entreprises de la filière renouvelable dans les deux pays, autour desquelles gravitent des universités, collectivités ou instituts de recherche.
Un meilleur partage des connaissances
Si cette coopération est si importante c’est que « les décisions prises dans le cadre de la transition énergétique française ou allemande ont des impacts très importants sur le système énergétique de l’autre pays, notamment au regard des échanges d’électricité à travers les connexions transnationales », justifie ainsi l’office dans sa feuille de route publiée en marge de la conférence du 2 juillet, lors de la première réunion du Comité de pilotage.
L’office doit ainsi encourager la mise en place de politiques et de règlements communs aux deux pays mais aussi de projets industriels, principalement par la mise en commun des connaissances et des compétences. Pour ce faire « 4 axes prioritaires ont été actés par la feuille de route, détaille Mélanie Persem, la directrice de l’office. D’abord le renforcement de la concertation au niveau politique et règlementaire. Ensuite, le rapprochement des entreprises sur des thématiques transversales comme le stockage de l’énergie, le développement des réseaux ou le marché de l’électricité, mais aussi sur des énergies spécifique comme l’éolien offshore ou la biomasse. Troisièmement, nous voulons impliquer les collectivités locales : les deux pays ont plus de 2 000 partenariats locaux, essentiellement sur la culture et l’éducation… ils vont désormais s’ouvrir à l’énergie. Enfin, nous voulons inciter la mise en place d’un réseau de recherche entre les universités, les instituts et les entreprises pour favoriser la compétitivité du secteur. »
Tout cela constitue « une bonne base de départ », selon Jan Horst Keppler, professeur en sciences économiques à Paris Dauphine et spécialiste de l’énergie. « D’autant plus que l’on a commencé à parler des sujets qui fâchent comme un marché de capacité électrique européen ou la gestion de la variable de l’intermittence des énergies renouvelables », souligne-t-il.
L’alliance entre les deux pays peut paraître surprenante si on s’arrête au bouquet électrique, notamment concernant la place accordée au nucléaire : quand l’Allemagne a décidé de s’en passer totalement à horizon 2022 (contre 22,5% de son mix électrique en 2010), en France l’atome devrait fournir encore 50% du bouquet en 2025 (contre 75% en 2011). Côté énergies renouvelables, les deux pays regardent dans la même direction mais le cap n’est pas le même. Si sur le papier, les objectifs européens donnent l’avantage à la France avec 23% de consommation électrique produite à partir d’Enr d’ici 2020 (contre 18% pour l’Allemagne), dans les faits, la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité allemande devrait atteindre 38,6% en Allemagne et même 47% selon la Fédération allemande des énergies renouvelables contre 27 % au mieux en France…
Vue de France, l’Allemagne paraît toujours l’exemple à suivre en matière d’énergies renouvelables. « Au début du rapprochement, il y a avait une certaine crainte au niveau français que les entreprises allemandes viennent prendre des parts de marché en France. En réalité le savoir-faire allemand a permis au marché français de se développer et vice-versa, assure Mélanie Persem. Les Allemands ont aussi à apprendre des Français dans certains domaines comme le stockage, le développement des réseaux ou le mécanisme de capacité… »
Le secteur privé déjà à pied d'oeuvre
Surtout, la coopération est déjà une réalité dans le secteur de l’énergie. Air liquide, Siemens, Alstom… tous ces géants de l’énergie ont déjà des projets binationaux, même si la création de consortiums n’est pas forcément à l’ordre du jour. Les marchés franco-allemands comptent ainsi pour 30% du chiffre d’affaires d’Air liquide qui mise notamment sur l’alimentation des véhicules à l’hydrogène liquide issu des  Enr. Alstom contribue également au raccordement de 10% des éoliennes off-shore en Allemagne…« Les énergies renouvelables deviennent une affaire de grands et nous en sommes très heureux. L’avenir dans les Enr c’est l’industrie », déclarait de son côté Hans-Dieter Kettwig, le directeur général d’Enercon lors de la conférence du 2 juillet. C’est d’ailleurs le secteur privé qui devrait financer à 65%  l’office franco –allemand.
« Le secteur privé ne connaît aucun a priori concernant la collaboration entre les deux pays : le souci est que faute d’indications claires au niveau politique avec un cadre stable et le plus harmonisé possible, le secteur privé n’est pas là où l’on a besoin de lui et les investissements sont lourds », estime Jan Horst Keppler. De fait, le ministre allemand a appelé à créer un système cadre commun pour le développement des énergies renouvelables et la  combinaison des mécanismes de marché. « Ensuite nous pourrons nous concentrer sur le défi technique du stockage et de l’efficacité », prévient-il. Mais il faudra aussi faire avec le calendrier politique : côté allemand, la réforme de la législation sur les énergies renouvelables devra attendre le renouvellement du Bundestag (chambre des députés) fin septembre. Côté français, il faudra au nouveau ministre de l’Environnement, Philippe Martin, remettre sur pied la bonne entente qui s’était instaurée entre Delphine Batho avec Peter Altmaier.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire